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samedi 13 avril 2019

Et de quatre pour MHTR !

Lightning, la sœur de Arrow Head a été transférée à Mukundra Hills TR !


Pressentie dès 2018 pour rejoindre T91 (MHT1), il aura finalement fallu attendre près d'un an pour assister, le 12 avril 2019, au transfert de T83 Lighting, sœur de l'actuelle reine des lacs Arrow Head (T84), fille de Krishna (T19) et petite-fille de la non moins célèbre Maachli (T16), figure iconique de la réserve de tigres de Ranthambhore qui par sa longévité et sa fécondité a joué un rôle déterminant dans le renouveau de cette réserve de tigres.  

Ce transfert s'annonce comme un nouveau départ pour cette jeune tigresse qui connut une première partie de vie mouvementée. Chassée par sa sœur en 2016 de la zone des lacs où elle avait grandit, elle se retrouva rapidement repoussée en frange de la zone principale du parc, se rapprochant dangereusement de villages.
En 2017, une opération de sauvetage fut entreprise par les équipes du "Forest Department" afin de secourir la tigresse tombée dans un puits.
En 2018, retranchée dans des territoires inhospitaliers de la zone 5, elle donna pourtant naissance à sa première portée. Mais rapidement, il fallut se rendre à l'évidence : la jeune et inexpérimentée tigresse n'avait pas su prévenir sa progéniture des nombreux dangers du parc. 
Conscient de l'avenir compliqué en zone 5 pour cette tigresse issue d'une illustre famille, les autorités réfléchirent dès début 2018 à un transfert vers MHTR. 
Mais retardé une première fois par le NTCA en raison des conditions de relocalisation contestées de T91 (Mirza), le transfert de T83 devait être abandonné dès lors que sa maternité fut confirmée. 




Fin 2018, alors qu'intervint le feu vert du NTCA pour la reprise des transferts vers MHTR et que le décès des petits de T83 était avéré, l'une (T106 devenu MHT2 en arrivant à Mukundara Hills) des trois filles de Noor (T39), fut préférée à T83 afin de juguler l'énorme pression exercée par le trop grand nombre de tigres présent sur les territoires de la zone 2 de RTR. 

Dans la mesure où le programme des relocalisations prévoyait le transfert de deux femelles à quelques mois d'intervalle, le choix se porta dès lors naturellement vers T83 pour boucler cette première phase du projet de repeuplement.

Comptant désormais 4 tigres (deux males MHT1 -T91 - et MHT3 - T98 - et deux femelles MHT2 - T106 - et MHT4 - T83), MHTR semble disposer ainsi des atouts nécessaires au succès de l'opération. Une rapide analyse des caractéristiques des nouveaux résidents permet d'abonder dans ce sens. Tout d'abord, MHT1 (T91), jeune tigre de 5 ans environ qui s'il n'a pas su s'imposer dans la zone "phare" des lacs à RTR, a tout de même démontrer des capacités d'adaptation indéniables pour aller s'établir dans les forêts du district de Bundi dans le Ramgarh Vishdhari WLS. Ensuite MHT2 (T106), la plus indépendante et téméraire des filles de Noor qui avant l'âge de deux ans pris son indépendance pour aller s'installer en zone 1 et défier ainsi sa mère. Que dire de MHT3 (T98), âgé de trois ans et demi, qui parcourut plus de 150 km pour rejoindre seul cette nouvelle Tiger Reserve et confirmer l'efficience, bien que fragile, du corridor reliant RTR à MHTR. Enfin, MHT4 (T83), une tigresse âgée de 5 ans qui comme sa sœur connut l'échec d'une première portée "perdue" et qui dispose désormais de la maturité nécessaire pour mener jusqu'à l'âge adulte sa future progéniture, dans un contexte plus favorable.



Souhaitons à ces tigres de prendre rapidement leurs marques dans cette réserve prometteuse et de profiter de l'expérience engrangée suite aux déconvenues subies à Sariska du fait de nombreux obstacles rencontrés là-bas (26 villages non relocalisés, un temple situé au milieu de la Core Zone et accueillant des milliers de pèlerins deux fois par semaine, un axe routier important reliant Jaipur à Alwar et coupant le cœur de la réserve en deux…). 




Textes et photos Vincent Dabadie 


© Blog Pierre Chéron - L335-3 du Code de la propriété intellectuelle







lundi 18 février 2019

Ranthambore Diaries 2018 - Episode IV

 Résumé en  mode fin 




RTR - Léopard chanceux - 8/05/2018 - ©Pierre Chéron

Il est difficile de raconter tout ce que nous avons vu durant toutes ces semaines passées à Ranthambore; beaucoup de ces 48 safaris ont produit beaucoup de situations prenantes. 

Pour aborder ce dernier épisode ( il en faut bien un, ne serait-ce que pour ouvrir de nouvelles séries 😏), le plus simple me semble de faire une synthèse de quelques observations disparates mais significatives. Je les daterais pour que les fans indiens de tigres puissent s'y retrouver (ils parcourent les parcs à longueurs d'années, et suivent les aventures de Shere Khan avec délectation).
Une vidéo que nous posterons les prochains jours présentera ces situations.

- 8 mai: Les sublimes ennemis, tigres et léopard
L'on parle souvent de ces confrontations entre ces deux emblématiques félins que sont le tigre et le léopard. Si ces rencontres sont, j'en suis persuadé, très fréquentes (à des degrés divers), elles sont rarement vues et encore moins photographiées.

RTR - Fille de Noor et léopard - 8/05/2018 - ©Pierre Chéron
J'en ai déjà oublié la raison, mais ce matin-là, nous rentrions un peu en retard dans la zone 2. Quelle chance !! Ce timing allait nous permettre de ne pas prendre la poussière des jeeps et surtout d'observer de bien belles choses. En effet arrivé au bord du lit de la rivière asséché, notre guide  parvient à nous trouver un tigre camouflé dans les fourrés. Il s'agit d'une des filles de Noor et nous décidons de partir plus loin pour voir si une autre tigresse n'est pas plus visible dans le voisinage. 


30 minutes passent et nous retournons sur nos pas. Arrivés sur place, quelques autres jeeps sont là. Ils ont trouvé eux aussi le, plutôt les tigres car il y en a deux, mais, obsédés qu'ils sont par les félins rayés, ils n'avaient pas levé les yeux et découvert l'objet de la présence des 2 tigres. 


Un léopard était perché tout en haut de l'arbre au pied duquel les deux tigres montaient la garde. L'arbre d'une hauteur d'un immeuble de plusieurs étages avec au pied de celui-ci, deux des filles de Noor, n'ayant pas du tout l'air décidées à bouger. A en voir leur air décidé, elles veulent en découdre avec ce léopard !

Pourtant après une longue attente, les deux tigresses se décident à bouger. Est-ce une ruse ? Elles s'éloignent. Au sommet de son arbre, le léopard observe attentivement la scène. Puis rapidement il descend et bondit sur le sol. C'est alors qu'un tigre se lance à sa poursuite mais le léopard a de l'avance et le terrain de sa fuite est escarpé, ralentissant la course du poursuivant rayé. Fin de l'épisode. Tout le monde est sain et sauf. Super !

RTR - Fille de Noor - 8/05/2018 - ©Pierre Chéron


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- 5 mai: Un nouveau tigre, T96 et un léopard
Faire la connaissance d'un nouveau tigre est toujours un immense plaisir pour les "spécialistes" des félins. Et voir un tigre c'est de toute façon quelle chose de fantastique. Disons qu'un petit nouveau, c'est un gros bonus.

Cet après-midi du 5 mai nous avions programmé d'aller en zone 4 afin de chercher Krishna et ses petits. Cette tigresse a finalement été difficile à voir cette saison. Les guides nous disent qu'elle est devenue "shy" et ils ont raison. Pourquoi ? La tigresse a sûrement ses raisons que je suis incapable de voir, mais laissons-lui ses mystères. 

Ayant quitté les lieux de séjours favoris de Krishna, nous nous étions rabattu sur l'ancien territoire de Roméo T6. A 16h, il nous restait 1h de temps "utile", lorsque enfin un tigre très discret apparaît. Son objectif est semble t-il pour aller directement à un emplacement précis au pied d'une falaise adossée à la montagne. Nous sommes dans le lit asséché de la rivière et la progression de la jeep est ballottée, mais qu'importe. 
Heureux de voir enfin un tigre, nous qui  en avons vu beaucoup (c'est "la folie du tigre"). Mais ce tigre est différent car nouveau, et pour moi il représente tellement de questionnements que mon plaisir en est amplifié.
Quel âge a-t-il ? Je pense qu'il a 2 ans et demi.

RTR - T96 - 5/05/2018 - ©Pierre Chéron

Aussitôt installé, un cri de chital retentit et T96 fige son regard dans la direction de l'alarme. C'est un autre tigre !!! La tension augmente, le nouveau tigre est le fils de Laila-T41. Il avance près, très près. Va-t-il y avoir une confrontation ? Cela semble inévitable.

RTR - Fils de Laila T41 - 5/05/2018 - ©Pierre Chéron
Mais contrairement à ce que nous pensions, les 2 jeunes mâles gardent leur distance en un round d'observation très mesuré. Leur "décontraction n'est qu'apparente. La tension est dans l'air, mais les tigres semblent comme souvent afficher un air "de ne pas y toucher". En cela je les adore. 

Le fils de Laila s'assoit à 30 mètres de son rival. C'est passionnant. Aucun des deux ne se regarde. Ils font comme si l'autre n'existait pas. 


RTR - Fils de Laila T41 - 5/05/2018 - ©Pierre Chéron
J'admire avec délectation ce beau tigre qui porte déjà en lui toute l'assurance d'un futur mâle dominant.

Nous quitterons à contre-coeur nos tigres. 




Mais l'Inde nous réserve toujours des surprises et je dis souvent: "tant que l'on est dans le parc, jusqu'à la dernière minute, tout peut arriver". 

Bien loin de notre route, des cris stridents d'alarme retentissent. 

RTR - Crop x16 dans 600mm (4800mm !!) -
5/05/2018 - ©Pierre Chéron


La lumière a décliné fortement. 


A la jumelle, nous trouvons un léopard, et j'arrive à peine à voir que celui-ci est en train de finir son repas. 

Nous sommes rassasiés d'images !!! 
Quel merveilleux parc !...



RTR - Le léopard abandonne sa proie - 5/05/2018 - ©Pierre Chéron




Textes et photos Pierre Chéron
© Blog Pierre Chéron - L335-3 du Code de la propriété intellectuelle

dimanche 17 février 2019

Un nouveau tigre s'installe à MHTR sans l'aide des hommes !

Dispersion naturelle vers Mukundra Hills TR : une première depuis 15 ans !


T98 se rafraîchissant dans son point d'eau favori - mai 2018 © Pierre Chéron

Depuis la fabuleuse épopée de "Broken Tail" en 2004 qui s'était achevée tragiquement, aucun tigre ne s'était aventuré aussi loin vers le sud, en quête de territoires où s'établir. A "Broken Tail", outre le classement en Wildlife Sanctuary des forêts de Darrah désormais incorporées à la Tiger Réserve de Mukundra Hills, on doit les nombreuses réflexions et études qui suivirent sur la population isolée des tigres d'Inde de l'Ouest et la nécessité de maintenir ou de restaurer les corridors de migration entre aires protégées. 15 ans plus tard, et consécutivement à deux transferts de tigres en provenance de Ranthambore dans la Core zone de MHTR, c'est à une dispersion naturelle entre deux Tiger Réserve du Rajasthan que nous assistons. Une grande première qu'il faut saluer et qui démontre que même si les corridors sont fragiles, ils sont capables de jouer leur rôle pour peu que les tigres soient monitorés et les populations locales associées à la démarche...

La famille de T60 réunie au point d'eau, en fin de journée - avril 2016 © VD

La réserve de tigres de Ranthambhore offre l'opportunité quasi-unique de pouvoir suivre de près l'évolution des jeunes tigres nés dans les zones ouvertes aux touristes. T98, fils de Junior Indu (T60) et Singhsth (T57), faisait partie d'une portée de trois tigreaux élevés en zone 2 sur le territoire de "Lahpur Valley". Sur la photo ci-dessus prise en avril 2016, on le voit, au centre, observer les tendres signes d'affection prodigués par sa mère à son frère T97. Sa sœur (T99) quant à elle adopte une position plus craintive, en retrait de ses frères, et ne nous quitte pas des yeux.


T98 à l'âge de 4 mois - avril 2016 © Vincent Dabadie

Le lendemain de cette fabuleuse rencontre avec cette famille de tigres, nous aurons à nouveau l'occasion d'observer ces jeunes et de constater la curiosité dont faisait déjà preuve notre "aventurier" en herbe, nullement effrayé par notre présence.

Quelques 18 mois plus tard, alors que leur sœur s'émancipe déjà et part plus au sud dans la Buffer zone de Sawai Mansingh, les deux frères restent ensemble et sont aperçus avec leur mère puis se séparent progressivement d'elle tout en demeurant sur son territoire.


© Pierre Chéron

S'en suit alors pendant plus de six mois, un étrange jeu de cache-cache avec leur père, les deux frères semblant avoir constitué une alliance de circonstance pour l'évincer. Cette stratégie de harcèlement peut s'avérer payante lorsque le mâle dominant entre dans une période de déclin vers ses 10 ans, ce qui n'était pas le cas de Singhsth (T57) alors au sommet de sa puissance...

N'étant pas de taille à lutter avec leur père pour s'emparer de son royaume, fin 2018, les deux frères finissent par se séparer pour tenter leur chance seuls. Ce faisant, T97 décide de s'établir en zone 1 où une fille de Noor vient également de s'installer. Pas certain toutefois que son père l'autorise dans la durée à occuper ainsi une partie de son territoire...


T97 se poste sur la route de son père T57  - mai 2018 © Pierre Chéron

Tandis que son frère tente de conserver une place dans la Core Zone de la réserve, un incident se produit en décembre 2018, période pendant laquelle T98 est soupçonné d'avoir tué une villageoise en raison de son éviction forcée des zones exemptes de présence humaine. 

Suite à cet incident, le jeune tigre se résigne à l'exil et se met en errance plus au sud, traversant le territoire du Sawai Mansingh Sanctuary où s'était établi sa sœur et poursuivant toujours plus loin sa quête. La plupart des tigres en transit dans cette zone décident de s'établir dans le Ramgarh Vishdhari WLS et les forêts de Bundi qui offrent une surface intéressante et commencent à disposer d'un vivier de proies sauvages significatif. Ce fût le cas de T91 (Mirza) avant qu'il ne soit transféré par les hommes dans la Tiger Réserve de Mukundra Hills.


T98 avance prudemment vers ses nouvelles terres © Pierre Chéron


L'audacieux T98 ne subira pas le même sort. Franchissant les forêts de Chambal pour atteindre celles de Sultanpur, il aura parcouru au total quelques 150 km  pour rejoindre, sans l'aide des autorités mais placé sous leur surveillance, les forêts de Darrah et la Tiger reserve de Mukundra Hills. Se frayant un chemin dans des territoires largement dominés par la présence humaine et leurs activités (cultures, élevage pastoral...), il profite du lit de la rivière Kalisindh située dans le prolongement de la Chambal River. 
  


T98 dissimulé dans les fourrés, à l'affût de proies éventuelles © VD

I
l faut toutefois rester prudent dans la mesure où T98 n'est pas tiré d'affaire en raison de sa zone actuelle d'établissement proche d'une ligne ferroviaire et d'une autoroute. La configuration géographique de MHTR qui s'étire en longueur du nord ouest vers le sud est présente en effet l'inconvénient d'être relativement enclavée et soumise à une pression extérieure importante. 

Signalons que T98 faisait partie des jeunes tigres de Ranthambhore qui avaient été ciblés par le Forest Department du Rajasthan pour aller rejoindre MT1 et MT2 à MHTR. La situation actuelle à RTR est préoccupante pour l'avenir d'une dizaine de jeunes tigres poussée en frange des aires favorables par les tigres dominants et exposée de ce fait à une multiplication des conflits avec les habitants des villages environnants. En janvier 2019, le jeune tigre "Blue eye" (fils de la tigresse T41 Laila) a ainsi tué une villageoise dans la zone de Kandhar. 

Migration naturelle et relocalisation vers d'autres aires protégées semblent donc l'unique moyen d'offrir un avenir à ces tigres. Maintenant que l'effectivité du corridor Ranthambhore TR - Mukundra Hills TR est avérée, il sera intéressant d'observer les mesures prises par les autorités pour sécuriser ces "zones de transit". Les yeux se tournent désormais au nord du côté des corridors permettant de relier Kaila Devi WLS puis Kuno WLS dans l'état voisin du Madhya Pradesh qui constituent le prolongement de cette ceinture du "Western India Tiger Landscape".

L'histoire semble s'écrire avec des rebondissements possibles comme le transfert de lions à Kuno en 2019 afin de prémunir l'espèce des risques d'extinction liée à une pandémie affectant la population du Gujarat. Maintenant que la présence de tigres dans l'Etat du Gujarat a été confirmée, il sera de plus en plus difficile d'exclure l'éventualité d'un partage de territoires entre les deux grands fauves indiens dans celui du Madhya Pradesh...affaire à suivre ! 



Textes Vincent Dabadie - Photos Pierre Chéron et Vincent Dabadie
© Blog Pierre Chéron - L335-3 du Code de la propriété intellectuelle



mardi 5 février 2019

Bilan des transferts de tigres 2018 : une année mitigée...




Bilan des transferts de tigres 2018 : une année mitigée...

Relocalisation:
2 tigres à Munkundara Tiger Reserve (Rajasthan),
1 tigre et 1 tigresse à Satkosia Tiger Reserve (Odisha),
2 tigres (un male et une femelle) dans le WLS de Nauradehi (Madhya Pradesh)

1 tigre à Sanjay Dubri Tiger Reserve (Madhya Pradesh)


MV2, premier tigre à faire l'objet d'un transfert inter étatique

On pouvait espérer un nombre de transfert compris entre 10 et 15 pour l'année 2018 mais au final c'est un maigre bilan que l'on peut dresser avec 7 tigres relocalisés, un programme terni par ailleurs par la gestion catastrophique des premiers transferts interétatiques intervenus entre le Madhya Pradesh et l'Odissa pour repeupler la réserve de Satkosia TR, dans un Etat indien historiquement peu favorable à la protection des tigres.



L'emblème de ce fiasco annoncé par certains observateurs et activistes avertis restera la mort dans des circonstances suspectes du tigre MV2, digne héritier d'une lignée de tigres connus à Kanha (voir sa photo ci-dessus). Agé d'à peine trois ans et pesant 195 kg, ce magnifique spécimen promettait un bel avenir...il aura fini blessé mortellement par un collet installé illégalement par des villageois pour chasser du gibier en plein cœur de la réserve. Quant à Sundari, fille de la tigresse star Spotty de Bandhavgarh TR, son implication dans la mort de deux villageois à Satkosia l'aura privée de sa liberté...l'histoire n'est peut-être pas terminée car MV2 se serait accouplé avec la dernière tigresse présente à Satkosia et âgée de plus de 10 ans et les autorités indiennes évaluent la possibilité de relâcher à nouveau Sundari dans la réserve !


Sous la pression de l'accroissement conséquent des populations de tigres présents dans les réserves les mieux gérées et protégées, l'espace vient à manquer, même en considérant les superficies adjacentes des buffer zones.



En effet, lorsque les tigres disposent des conditions idéales (proies en nombre, points d'eau, caches pour les petits à naître, faibles interactions avec les populations. locales..), ils se reproduisent vite suivant un phénomène naturel d'autorégulation des portées et en quelques années, on peut arriver à une saturation des espaces disponibles et à une multiplication des conflits entre congénères et populations installées en frange des aires dédiées, pouvant conduire à rompre les équilibres précaires institués dans les réserves.

Dans la mesure où les corridors de migration entre réserves, lorsqu'ils existent, sont peu sûrs et exposent les félins à une multitude de risques rendant très improbable leur "aventure", les transferts restent actuellement une solution indispensable pour assurer la meilleure occupation possible par les tigres des territoires protégés. 

Bien évidemment, pour la survie à plus long terme du félin, l'avenir passe inévitablement par la restauration des corridors prioritaires de transit connectant les populations de tigres. Ces "passages" sont bien connus des équipes de chercheurs et de scientifiques qui ont multiplié les études aux conclusions convergentes durant la dernière décennie.

En attendant et pour gérer les urgences, force est de constater que les réserves en déficit d'espaces sont de plus en plus nombreuses. On peut citer Kanha, Pench et Bandhavgarh dans le Madhya Pradesh, Ranthambhore dans le Rajasthan, Corbett dans l'Uttarakand, Kaziranga et Orang dans l'Assam ou encore Nagarhole et Bandipur dans le Karnataka.

Or, a contrario, certaines réserves sont vides de tigres et manquent de tout : infrastructures d'accès et d'accueil pour les touristes, moyens de protection et dispositifs de compensation ou de dédommagement des populations locales...pire, certaines sont en proie à des conflits armés entre guérillas maoïstes et gouvernement indien qui rendent impossibles tout programme de protection efficace (ex : Palamau dans le Jarkhand qui aurait perdu 72 tigres en moins de 10 ans !) et encouragent le braconnage et l'élimination des animaux "gênants".

Conscient de la situation, les autorités indiennes ont mis sur pied progressivement d'ambitieux programmes de repeuplement des "Tiger reserve". Après les drames du braconnage des tigres des parcs de Sariska (Rajasthan) et Panna (Madhya Pradesh) dans les années 2000 et l'émoi suscité sur la scène internationale, une volonté politique forte d'infléchir la tendance vit le jour avec une fortune diverse. 

C'est ainsi que Sariska accueillit successivement sur une période de 5 ans, une dizaine de tigres tous en provenance de la Tiger Reserve de Ranthambhore, située dans le même état du Rajasthan. La situation demeure complexe puisqu'actuellement seuls 10 à 15 tigres résident dans la réserve alors même que la plupart des villages n'a pas été délocalisé à ce jour.

Puis, vint le tour de Panna (cf article "une exemplarité fragile : Panna Tiger Reserve" publié le 8 décembre 2017 sur le blog) avec la relocalisation de tigres en provenance des réserves de Kanha, Bandhavgarh et Pench. Panna est un vrai beau succès dans un site certes, beaucoup plus favorable dans l'écrin de la rivière Ken. Bien qu'actuellement isolée, cette réserve pourrait permettre, sous réserve de restaurer les corridors de migration, de relier les tigres du WITL à ceux des réserves composées des majestueuses forêts de sals d'Inde Centrale.


Tigresse T4 (transfére de Bandhavgarh) traversant la rivière Ken à Panna pour rejoindre ses petits


Désormais, pour tenter de rééquilibrer la densité de tigres présente dans les différentes réserves, le rythme des relocalisations devrait s'intensifier afin de donner un avenir à de jeunes tigres voués autrement à errer dans des zones peu favorables des réserves emblématiques. C'est aussi donner parfois une seconde chance à des tigres victimes de drames (ex : deux tigresses orphelines élevées en semi captivité et relâchées à Panna avec succès sous le code de T3 et T4, une tigresse dont la mère a été empoisonnée à Pench et réintroduite à Nauradehi). Ces relocalisations visent dans le même temps à redynamiser des réserves peu connues mais au réel potentiel. On saluera au passage les initiatives de transfert entre états qui devraient faire bouger les lignes à l'avenir et inciter plus d'états à collaborer dans les programmes de réintroduction d'espèces menacées. 

Le bilan des relocalisations 2018 est le suivant : 

  • 2 tigres (T91 Mirza/Alphonso = MT1 Sultan et T106, une fille de Noor - MT2) de Ranthambhore TR vers Mukundara TR 
  • 1 tigre (MB2) de Kanha TR vers Satkosia TR 
  • 1 tigresse (Sundari) de Bandhavgarh TR vers Satkosia TR 
  • 1 tigre de Bandavgarh TR vers Nauradehi WLS 
  • 1 tigresse de Kanha (née à Pench) TR vers Nauradehi WLS 
  • 1 tigre de Kanha TR vers Sanjay Dubri TR

La déroute des transferts interétatiques réalisés vers Satkosia TR a incité le NTCA à revoir sa stratégie sans pour autant abandonner le projet de relocaliser 4 nouveaux tigres dans cette réserve. Certains activistes étaient demeurés très sceptiques quant à la pertinence des choix opérés pour l'accueil de ces tigres et ils s'étaient exprimés sur le cas de Satkosia pour fustiger la faiblesse de la "prey base" recensée avant les relocalisations ainsi que la présence de 25 villages dans la core area et de quelques 175 villages en buffer zone, non associés étroitement à la démarche.

A Mukundara Hills TR, le tigre T91 (Mirza aussi surnommé Alphonso) né à  RTR et déplacé depuis les forêts du district de Bundi plus au sud (Ramargh Visdhari WLS) est le premier individu depuis plus de 20 ans présent dans cette  aire protégée ayant obtenu récemment le statut de Tiger Reserve. Initialement, deux tigresses devaient le rejoindre avant la mousson 2018 mais le NTCA saisi d'irrégularités sur la procédure de transfert de T91 a décidé de différer les autorisations de transfert, le temps d'examiner les plaintes. 


MT1 (Sultan), premier tigre transféré à Munkundara Hills TR

Après de longs mois d'attente et alors que MT1 (renommé Sultan à l'occasion de son transfert) commençait à trouver le temps long en l'absence de congénères, le mois de décembre 2018 allait nous apporter une bonne nouvelle : une des trois filles de la dernière portée de Noor (T39) était endormie afin de rejoindre Sultan à MHTR. Fidèle au processus d'acclimatation, elle est restée plusieurs semaines dans un enclos, élargi progressivement afin de pouvoir s'habituer à son nouvel environnement et faire la découverte de son nouveau partenaire, déjà roi des lieux. Courant janvier 2019, elle a été observée s'accouplant avec lui...de bon augure !



MT2, première tigresse à rejoindre MT1 (Sultan) à MHTR
La deuxième tigresse en provenance de RTR dont le transfert était initialement programmée en 2018 devrait être acheminée à MHTR d'ici avril 2019.

Le succès de telles réintroductions dépend totalement de certains paramètres favorables qui, s'ils ne sont pas réunis, hypothèquent grandement les chances de succès de ces opérations délicates. Pour n'en citer que quelques-uns : dans la plupart des cas, la libération des "Cores Zones" de la présence humaine par une démarche concertée de compensations offertes aux villageois (un contre-exemple existe à BRT Hills où les tribus de Soliga conservent leur ancrage au cœur de la réserve dans la mesure où ils contribuent à la protection de la faune et à la conservation de l'écosystème, idem pour les Mishmi dans le Dibang WLS de l'Arunashal Pradesh  pour qui les tigres sont considérés comme des "frères"), la constitution d'une base de proie suffisante (25/km² semble un minimum, c'est le cas à MHTR), la formation et les moyens données au personnel du FD ainsi que leur motivation pour assurer une bonne gestion des réserves et la protection des espèces, les actions de sensibilisation et de participation au projet réalisées auprès de tous les acteurs locaux, une démarche écologique et économique pour pérenniser le projet grâce notamment à la venue de touristes, une approche respectueuse de l'environnement pour la réalisation d'infrastructures "vertes"...

Le mouvement va-t-il s'accélérer dans la perspective du doublement de la population à l'horizon 2022 ? Rappelons que cet engagement a été pris en 2010 lors du sommet de Saint-Pétersbourg alors que l'Inde annonçait officiellement dans son recensement compter environ 1700 tigres, ce qui place la barre à 3500 pour 2022 alors que le recensement de 2014 estimait la population à 2226 et que les résultats de celui de 2018 devraient être disponibles dans le courant du premier trimestre 2019. 

En effet, le WLS de Nauradehi qui faisait partie des sites possibles d'accueil des guépards pour une "réintroduction historique" sur le territoire indien a finalement accueilli un couple de tigres (Kishan et Radha). Les territoires des Tiger Reserves du Madhya Pradesh n'étant pas extensibles, les "Wildlife Sanctuary" (cf. article "une accession difficile au statut de Tiger Reserve" publié le 17 janvier 2018 sur le blog) sont mis à contribution d'autant qu'ils permettent un meilleur maillage des territoires d'Inde Centrale dans le but de connecter à termes les parcs protégés par des corridors. Nauradehi est le plus grand WLS du MP avec une surface d'environ 1100 km². Signalons qu'une dispersion naturelle a permis à un tigre male de Panna de rejoindre en juillet dernier Nauradehi en empruntant des corridors. Les autorités étudient la possibilité d'y introduire une femelle afin d'éviter les conflits avec le couple de tigres réintroduits plus tôt dans l'année.

Kuno-Palpur constitue un autre exemple des arbitrages en cours qui semble s'opérer en faveur des tigres. Ainsi, ce WLS du Madhya Pradesh, tout proche du Rajasthan et intégré au biotope semi-aride du "Western India Tiger Landscape" pourrait abriter prochainement des tigres en provenance des réserves de Kanha, Pench et Bandhavgarh. Il s'agirait d'une avancée majeure dans l'optique de constituer des "passerelles" entre tigres d'Inde de l'Ouest et tigres d'Inde Centrale. Ainsi, des tigres d'Inde de l'Ouest en provenance de Ranthambhore ont déjà migré dans ce sanctuaire (T38, frère de la célèbre Noor). Si leurs cousins d'Inde Centrale venaient à être relocalisées, on assisterait aux premiers échanges génétiques entre deux "pools" actuellement séparés. Depuis Kuno Palpur des couloirs "naturels" de migration existent notamment vers Madavh NP et d'autres sont à restaurer vers Panna TR ou Ratapani WLS dans le MP...on se prend alors à rêver d'une "grande ceinture" offrant ainsi de nouvelles perspectives au félin.

Pour l'heure, il faut rester extrêmement prudent sur la faisabilité et l'avenir de tels projets, car les initiatives restent fragiles et très lentes dans leur mise en œuvre alors que la démographie et les besoins en ressources chez les hommes ne cessent de croître. Les meilleures chances de survie des tigres sur des territoires vastes et connectés demeurent bien évidemment ceux d'Inde du Nord au niveau des plaines de l'arc du Terai et des biotopes himalayens et ceux d'Inde du Sud, notamment dans la Biosphère des Nilgiris reliant Western Ghats et Eastern Ghats. 

Les transferts de tigres entre "Tigers Reserves" et WLS peut également jouer un rôle important pour donner des perspectives d'augmentation des effectifs car dans de nombreux cas ces derniers sont mieux dotés en ongulés et disposent de meilleures densités de proies que des sanctuaires classés en Tiger Reserves mais laissées à l'abandon. Certains états qui ont vu leurs populations de tigres exploser souhaitent obtenir rapidement le classement de certains parcs en "Tiger Reserve" afin de disposer de plus de moyens pour la protection et le développement du tourisme. C'est le cas de l'Uttarakand qui souhaite que le statut de Tiger Reserve soit accordé à trois de ses sanctuaires de vie sauvage, ce qui porterait à 5 le nombre de Tiger Reserve dans cet état (après Corbett et Rajaji). De leur côté, les forêts de Godhazari comptant une quinzaine de tigres et situé dans le district de Chandrapur dans l'état du Maharashtra ont obtenu début 2918 le statut de Wildlife Sanctuary. Un signe encourageant dans une zone où de très importants projets d'infrastructures linéaires nouvelles sont à l'étude actuellement, menaçant la connexion de certaines aires protégées et notamment celle stratégique de Tadoba TR. 

Signalons que la réserve de Corbett dans l'Uttarakand a fait polémique en envisageant courant 2018 de créer de grands enclos pour garantir aux visiteurs la vision de tigres...on assiste là à une dangereuse surenchère pour la conquête de parts du marché touristique. Quelle différence alors avec les zoos qui présentent les félins dans des conditions plus ou moins décentes ?

Gageons que l'année 2019 sera plus prolifique en transferts et que ceux-ci seront mieux préparés afin de rééquilibrer la présence des populations et soulager la pression pesant sur certaines réserves. Il faut conserver à l'esprit que ces mouvements artificiels orchestrés par les hommes ne peuvent se substituer dans une vision à moyen et long terme aux mouvements de dispersion naturelle autorisés par l'efficience des corridors.

D'ici 2020, 4 tigres devraient être transférés à Buxa TR dans l'état du West Bengale, une réserve frontalière du Népal dont la situation géographique rend les opérations de contrôle plus délicates et attise les convoitises des filières de trafiquants opérant dans la région. C'est également 4 tigres qui sont supposés être relocalisées des réserves du Madhya Pradesh vers Satkosia. D'autres initiatives devraient également voir le jour. A suivre...



 Textes Vincent Dabadie - Photos Pierre Chéron et Vincent Dabadie

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