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vendredi 8 décembre 2017

Panna: Une exemplarité fragile

T4 rejoignant ses petits après avoir traversé la Ken River
Panna - mai 2014 - ©  Pierre Chéron
Panna est une réserve de Tigres situé au Nord de l’Etat du Madhya Pradesh, couvrant une surface de 543 km², classée parc national en 1981 avant d’accéder au statut de Tiger Reserve en 1994. Le parc est situé dans un site unique comportant d’anciens vestiges archéologiques et formé d’un vaste plateau traversé par le bassin versant de la rivière Ken, qui, à la saison des pluies, offre le spectacle magique de chutes qui se jettent dans une impressionnante gorge où il n’est pas rare d’apercevoir des tigres une fois la mousson achevée.



Panna, paysages - mai 2014 © Vincent Dabadie
Au milieu des années 2000, à l’instar de la Tiger Reserve de Sariska dans le Rajasthan, elle a connu un bien triste sort puisque le braconnage l’a entièrement vidée de sa population de tigres que l’on estimait alors à 32 individus. 

Tigres profitant de la fraîcheur des gorges de Panna Reserve
 © Photos: Chicane, Abhinav Pandey, Mohammed Junaid

Heureusement, les efforts conjugués d’une poignée de scientifiques indiens du WII (Wildlife Institute of India) soutenus par le NTCA (National Tiger Conservation Authority) et une équipe de Direction du parc entièrement renouvelée (sous l’impulsion notamment de son Directeur R Sreenivasa Murthy) suite aux évènements tragiques ont permis de faire renaître Panna en s’appuyant sur la relocalisation de tigres provenant d’autres réserves du Maddhya Pradesh. Blog Pierre ChéronAinsi en 2009, 2 tigresses et 1 tigre ont été amenés depuis les réserves de Bandhavgarh, Kanha et Pench avant qu’en 2011 deux autres tigresses ne soient à leur tour réintroduites. 

Les 4 femelles T1 (la sœur du célèbre mâle dominant de la zone de Tala à Bandhavgarh, Bamera), T2 (Pench), T4 (Kanha – tigresse présentant la particularité d’avoir été le premier tigre élevé en semi-captivité, puis relâché avant de donner naissance à plusieurs portées à l’état sauvage) et T5 (sœur de T4, réintroduite en septembre 2011) se sont toutes reproduites si bien que la population de tigres a rapidement augmenté pour atteindre le total de 26 tigres adultes en 2014 soit seulement 5 ans après le démarrage du projet !

A Panna, les scientifiques suivent de très près les mouvements des tigres via un système de collier radio dont ils équipent certains individus afin d’étudier leurs comportements et notamment leurs déplacements et « implantations » territoriales.

1e photo: T4, 2e photo: 2 des 3 petits de la 3e portée de T4
(P431-P432-P433) - Panna - mai 2014 © Nicolas Fave

Panna a déterminé son propre système de numérotation à 3 chiffres des individus si bien que le premier numéro correspond à celui de la mère, le deuxième au numéro de la portée et le troisième au numéro attribué au tigre considéré de la portée. 

En 2014 et 2015, deux évènements tragiques ont pu laisser penser que le parc connaîtrait une nouvelle période sombre. Tout d’abord en septembre 2014, la tigresse T4 est retrouvée morte. En juin 2016, c’est au tour de sa sœur, T5. 

Ces deux morts inexpliquées eurent pour effet de raviver la polémique sur les effets néfastes chez certains tigres du port du collier émetteur, propice selon ses détracteurs à la survenance de phénomène de rejet dans le temps mais surtout soupçonnés d’avoir fournis aux braconniers des informations facilitant la localisation des félins. Blog Pierre ChéronToutefois, à défaut d’étude faisant autorité sur la question, cette pratique se poursuit et la tigresse orpheline de la
troisième portée de T4 (P433) a été équipée d’un collier émetteur. Il est intéressant de noter au passage que les trois cubs de T4 (deux mâles P431 et P432 et une femelle P433) âgés de 14 mois à peine au moment de la perte de leur mère ont survécu, certainement en s’entraidant pour la chasse, pour se constituer leurs propres territoires respectifs. 

Loin de porter un coup fatal au programme de réintroduction que l’on doit à Monsieur R Sreenivasa Murthy, Directeur du parc, la somptueuse Tiger Reserve de Panna a continué à voir sa population de tigres croître ces dernières années grâce au travail acharné des naturalistes et au suivi rigoureux des scientifiques sur place. 

Illustrant cette dynamique, citons la tigresse T1 qui a donné naissance ces dernières années à deux nouvelles portées de deux tigresses.

Panna - 4ème portée de T1: jeune tigresse P141
- novembre 2017 © Soumyadeep Mitra
Panna - 4ème portée de T1: jeune tigresse P142
- novembre 2017 © Sarah Lodhi
T1 et sa 5ème portée composée des 2 tigresses P151 et P152
Panna - novembre 2017 © Abhinav Pandey

Et au-delà des limites du parc, il a été constaté les effets positifs du renouveau de Panna avec l’exemple récent d’un tigre male migrant vers la réserve de Bandhavgarh en quête d’un territoire.

Ce tigre surnommé « Diamond » (ou Panna Lal  en hommage à l’espoir suscité par son histoire), après avoir utilisé les corridors naturels connectant les habitats des parcs du Madhya Pradesh (voir cartes ci-dessous)Blog Pierre Chéron, s’est installé dans une des zones principales de BTR appelée Kithauli où il est devenu l’un des mâles dominants : une belle façon de remercier Bandhavgarh pour sa contribution via la tigresse T1 au repeuplement de Panna !!

"Diamond" ou "Panna Lal", tigre mâle qui a migré de Panna vers
Bandhavgarh - octobre 2017 © Akhilvijay Singh


Bandhavgarh - octobre 2017
Nouveau mâle dominant 
© Ravi Bandhavgarh


Toutefois, le fragile équilibre qui a pu être restauré à Panna est aujourd’hui menacé par un vaste projet de connexion des rivières Betwa et Ken dont la mise en œuvre aurait pour effet d’inonder 20% de la surface totale du parc (environ 100 km²) alors même que la pression sur l’espace vitale des tigres du parc a fortement augmenté ces dernières années avec l’accroissement du nombre d’individus.


La carte ci-dessous permet de se figurer le tracé du projet dont l’objectif est de mieux répartir les ressources hydriques du pays en transférant de l’eau via la création d’un réseau de canaux, depuis les cours d’eau au débit « excédentaire » (conduisant à des phénomènes récurrents d’inondations chaque année) vers des cours d’eau au débit « déficitaire ».





Selon le gouvernement indien, le but final de ce système de « péréquation » qui concerne la connexion de 37 cours d’eau (voir carte schématique ci-dessous) est de développer le potentiel agricole de certaines régions dans un pays classé à l’échelle mondiale en zone de stress hydrique, ce qui peut paraître paradoxal lorsque l’on considère le niveau des précipitations durant la mousson et la quantité de fleuves et de rivières de première importance présente sur le territoire indien.


Les écologistes et environnementalistes tirent quant à eux la sonnette d’alarme en dénonçant les effets préjudiciables de ce vaste plan qui minimise les impacts irrémédiables sur les populations (500 000 personnes devraient être déplacées pour mener à bien le projet à l’échelle du pays !!) et les terres cultivables détruites comme sur l’équilibre de certains biotopes. 

Le projet est de plus accusé de servir les intérêts de compagnies voulant prendre le contrôle des ressources publiques en eau à des fins d’enrichissement privé.

S’agissant plus particulièrement du lien entre les rivières Betwa et Ken, le Docteur Anish Andheria, président de la « Wildlife Conservation Trust » a eu l’occasion d’expliquer que l’intérêt du projet devait être réévalué avec une vision globale. Blog Pierre Chéron. En effet, si le projet peut sembler bénéfique en première approche du point de vue de l’agriculture, il expose en revanche à des conséquences catastrophiques sur l’économie de la pêche en modifiant les caractéristiques des eaux de l’embouchure de la Ken River, sur la destruction d’arbres par dizaines de milliers et sur les surcoûts liés aux activités de pompage de l’eau pour inverser le bassin versant naturel (son sens d’écoulement).

Cette menace bien réelle illustre bien l’ampleur des défis auxquels se trouve confrontée l’Inde de nos jours. Elle doit en permanence composer entre les implications sociales d’une démographie non maîtrisée et les inégalités abyssales qu’elle génère, son statut de super puissance en devenir et ses aspirations légitimes au développement économique et la préservation de ses ressources naturelles et faunistiques uniques appuyée par une histoire (celle de la marche vers l’indépendance et des prises de conscience) et des croyances qui placent ce riche patrimoine au cœur des réflexions quotidiennes… Incredible India !!

  Panna, une "success story" menacée 




Textes et photos © Blog Pierre Chéron - L335-3 du Code de la propriété intellectuelle

2 commentaires:

  1. Une menace fait place à une autre !
    Tandis que la presse indienne annonce l'ajournement probable du projet "Ken Betwa river inter-linking", on apprend ces jours-ci un cas de braconnage inquiétant, rapporté en plein cœur de la réserve de Panna (P521, tigresse de la deuxième portée de T5).
    A noter que le Madhya Pradesh détient le triste record du nombre de morts "suspectes" de tigres et ce depuis plusieurs années.
    Décidemment, à peine le temps de se réjouir d'une bonne nouvelle que la résurgence des "démons" du passé fait craindre le pire pour Panna, nous rappelant au besoin que la tache de préservation du tigre indien, espèce parapluie d'une faune à la richesse prodigieuse et souvent méconnue, est immense et menée au quotidien sur le terrain par les scientifiques, naturalistes, guides et gardes de la réserve.

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  2. En effet, le combat est sans fin.
    Un jour nous saurons si le combat est gagné, ou pas. Je n'ose imaginer un monde sans éléphants, lions, tigres, ... malheureusement, comme la lutte contre le réchauffement climatique, l'avenir est globalement très sombre. Raison pour laquelle nous devons nous mobiliser davantage

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