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vendredi 15 juin 2018

Mortalité des grands fauves en Inde

Que cache l’hécatombe de ces derniers mois !!

RTR – T39 Noor © Crédit photographique Pierre Chéron
Entre hausse préoccupante de la mortalité des grands fauves en Inde et comptages positifs des derniers recensements :

Les mauvais chiffres du premier trimestre 2018 traduisent les nombreuses menaces auxquelles les félins doivent faire face au quotidien : réduction et fragmentation de l'habitat, conflits liés à la proximité avec les populations locales, interférences des projets d'infrastructures structurantes à l'origine de nombreuses morts accidentelles (félins renversés, victimes de chutes dans des puits ou bien encore morts électrocutés du fait de clôtures électriques le plus souvent illégalement installées...), braconnage...

La mortalité des grands fauves semble en hausse mais ce constat traduit-il bien la réalité de leur présence en Inde. Se dirige-t-on vers un déclin de ces espèces ou bien s'agit-il plutôt d'une évolution du "paradigme indien" des grands fauves ?
184 lions morts entre 2016 et 2017 (310 sur la période 2010-2015) dont  32 de causes non naturelles !
162 léopards sur les trois premiers mois dont 35 % dus à des cas de braconnage et 20 % suite à des accidents sur les routes ou les voies de chemin de fer....34 léopards meurent chaque année en moyenne rien que dans l'état du Rajasthan !
34 tigres sur les trois premiers mois de l'année dont 35 % de causes non naturelles (électrocution, accidents et braconnage), ce qui à ce rythme fera franchir la barre des 130 tigres morts fin 2018 !

RTR – T57 Singhtsh © Crédit photographique Pierre Chéron
Les chiffres sont inquiétants et pourtant, les comptages réalisés ces dernières années ou en cours sont encourageants et témoignent des résultats probants obtenus suite aux efforts considérables de protection réalisés sur le terrain.

La population des lions est ainsi passée de quelques dizaines en 1913 à 523 en 2015, avec une forte progression durant la dernière décennie (359 en 2006, 411 en 2010...). On doit ce spectaculaire sauvetage au Nawab de Junaghad qui décida de protéger la trentaine de lions encore présent dans sa réserve de chasse et ayant échappé aux massacres. Aujourd'hui, le seul sanctuaire de Gir n'est plus suffisant pour supporter cette population. La réserve qui fait 1882 km² environ peut accueillir 300 spécimens au maximum, c'est pourquoi il était vital d'assurer aux lions des territoires additionnels. Désormais 40 % des lions du Gujarat sont disséminés dans les districts d'Amreli, Bhavnagar, Gir Somnath, et Porbandar et migrent à travers 19 corridors sur une aire totale couvrant quelques 22 000 km² !

Jeune mâle du Gir © Crédit photographique Pierre Chéron

GIR - femelle et cubs © Crédit photographique Pierre Chéron

S'agissant des tigres, après une décennie très compliquée, on relève, depuis le comptage de 2011 (1700 en 2010, 2226 en 2014) des chiffres en hausse dans la quasi totalité des états. Cette dynamique laisse augurer, pour le recensement qui vient de débuter, un retour au nombre d'individus du début des années 1990 (environ 3000 tigres) mais avec la fiabilité que procurent désormais les moyens technologiques modernes dont disposent les équipes du FD et de la NTCA pour réaliser les opérations de comptage ("camera trapping" notamment). La protection dans les réserves de tigres les plus réputées s'avère mieux organisée et plus efficace et après en avoir contesté le principe lors du recensement de 2011 notamment, les autorités indiennes ont fini par admettre que plus de 30 % des félins vivaient en dehors des réserves dans des zones protégées (sanctuaires de la vie sauvage, parcs nationaux...) ou non (corridors entre réserves ou bien forêts isolées).


RTR – T28 Star Male © Crédit photographique Pierre Chéron
RTR – T85 Packman © Crédit photographique Pierre Chéron


Le comportement des léopards est plus problématique car ils sont plus intrusifs et imprévisibles, et ils n'hésitent pas à s'aventurer dans les villages et dans les zones urbaines périphériques des grandes agglomérations. Depuis quelques mois des vidéos sont postées régulièrement sur les réseaux sociaux montrant des scènes insoutenables de mise à mort de léopards à coups de bâtons par des villageois excédés, aux réactions totalement disproportionnées. Le même type de scène a été filmé s'agissant cette fois d'ours lippus ayant attaqué des villageois. Dans le sanctuaire même du Gir, on rapporte des faits surréalistes de personnes s'approchant à pieds de groupes de lions pour les perturber pendant leur repas ou bien les pourchassant en motos.

Pourtant dans le même temps, on assiste à des scènes spectaculaires d'opérations de sauvetage improvisées de léopards ou de tigres tombés dans des puits ou des canaux, certains n'hésitant pas à les secourir au péril de leur vie (les animaux en situation de stress extrême peuvent s'avérer dangereux pour leurs "sauveurs" et leur infliger de graves blessures voire pire). 

Pour combattre les idées reçues et tenter d'endiguer les incidents qui se multiplient, l'état de l'Uttarakand a pris l'initiative de publier un guide intitulé "Busting Myths about léopards and Learning to leave with them" pour sensibiliser les populations locales sur les comportements à adopter pour coexister avec le félin. 

Le premier recensement de léopards réalisé en Inde sur une partie du territoire a mis en avant un chiffre de 8000 individus. En extrapolant ces chiffres à la partie nord-est du pays non concernée par les comptages, les spécialistes estiment que la population totale du félin tacheté est comprise entre 12000 et 14000.


RTR - Léopard © Crédit photographique Pierre Chéron
RTR - Léopard © Crédit photographique Pierre Chéron 
La situation est préoccupante et l'accroissement global du nombre de félins dû à une meilleure protection dans les réserves ne doit pas occulter le phénomène réel de réduction dramatique de son habitat en dehors et de la pression de plus en plus grande exercée par la population sur ces territoires.
Le renforcement des moyens dont disposent les réserves a été cette dernière décennie une réponse adaptée pour endiguer le braconnage mais elle ne peut à elle seule assurer un avenir à ses grands prédateurs qui ont avant tout besoin d'espaces importants connectés les uns aux autres par des corridors présentant un minimum de sécurité (pour éviter les accidents sur les routes et les voies ferrées, les chutes dans les puits, l'électrocution par des clôtures installées le plus souvent illégalement...) et disposant de ressources en eau et en proies sauvages. 
  
Naturalistes et scientifiques s'accordent désormais pour dire qu'une déconvenue majeur est à prévoir dans les prochaines décennies si des actions ne sont pas menées au niveau des aires non protégées actuellement, mais au combien vitales pour garantir la survie des félins !


RTR - Krishna cubs déc 2015 © Crédit photographique Pierre Chéron

Cela ne signifie pas qu'il faut relâcher les efforts de protection dans les réserves, bien au contraire. Sur la base du modèle de tourisme développé dans les "Tiger Reserves", le TOTF (Travel Operator For Tigers) a indiqué que le tourisme des léopards avait un réel potentiel et que ce pouvait être une des clés de la protection de l'espèce en Inde où les moyens se concentrent actuellement beaucoup sur les espèces "étendards" dont fait partie le tigre. 

L'état du Rajasthan a d'ailleurs récemment décidé de créer 5 sanctuaires dédiés aux léopards pour mieux répondre aux dangers du braconnage en incitant les félins à rester dans des aires protégées et exemptes de présence humaine tout en procurant des sources de revenus aux populations locales de manière à les impliquer dans les actions de préservation. Se dirige-t-on vers un grand plan "léopards" à l'échelon national...affaire à suivre dans les mois qui viennent !

A noter que certaines des 50 "Tiger Reserve" n'ont de tigre que le nom, alors que paradoxalement, on trouve des léopards dans toutes les "Tiger Reserve". 

Les orientations des programmes de conservation ne sont toutefois pas les mêmes au regard des problématiques spécifiques à chaque espèce.

Si lions et tigres peuvent emprunter des corridors sur plusieurs dizaines voir dans certains cas plusieurs centaines de kilomètres à la recherche de territoires où s'établir et de partenaires avec lesquels se reproduire, les léopards ont un champ d'action plus réduit. Cherchant moins à éviter les hommes, ces derniers entrent très souvent en conflit avec les populations locales même si certains exemples montrent que la présence de léopards à proximité des zones urbanisées ne constitue pas une situation rédhibitoire...on appelle ces léopards, les léopards des villes à Mumbai ou encore Jaipur ! 

RTR - T19 Krishna - avril 2018 © Photographie Vincent Dabadie
Parfois également des programmes de protection aux intentions louables peuvent interférer avec d'autres projets de conservation des espèces...c'est typiquement le cas du plan de transfert de lions au Wildlife Sanctuary de Kuno Palpur situé dans l'état du Madhya Pradesh.

Après avoir écarté plusieurs autres sites et au terme d'une bataille juridique âpre et incertaine, l'autorisation fût donnée par la cour suprême indienne d'opérer les transferts. La création d'un nouveau site d'accueil des lions d'Asie, déconnecté du Gir, présente un caractère vital pour la sauvegarde de l'espèce en cas de pandémie s'abattant sur les spécimens du Gujarat.  

Problème : Kuno Palpur constitue un sanctuaire stratégique pour les migrations de tigres en provenance de la réserve de Ranthambhore dans le Rajasthan et il se situe à l'intérieur de l'arc du "Western India Tiger Landscape", biotope essentiel à la métapopulation des tigres d'Inde de l'Ouest connectable avec un autre pool génétique, celui des tigres d'Inde centrale. 


Schéma de dispersion des tigres du WITL © Vincent Dabadie
Pour accélérer les opportunités de brassage génétique entre les deux "clusters" de tigres, il est même envisagé de faire venir des tigres des réserves de Kanha Panna et Bandhavgarh à Kuno !

On le voit, rien n'est simple en Inde et il faut aux autorités et associations impliquées, composer avec une infinité de paramètres pour s'assurer du bien fondé des décisions prises et de leur intérêt au service de la préservation de l'incroyable biodiversité de la vie sauvage indienne. 



Textes et photos © Blog Pierre Chéron - L335-3 du Code de la propriété intellectuelle

2 commentaires:

  1. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  2. L'Indian Express du 02/07/2018 rapporte que le gouvernement du Gujarat se serait engagé à recouvrir d'ici à la fin 2019 l'ensemble des 50 000 puits présentant des risques de chute pour les lions. Plus de 30 000 puits sont déjà équipés de dispositifs pour empêcher de tels incidents (9 lions sont morts suite à des chutes ces deux dernières années).
    Par ailleurs, la cour suprême indique que les barrières partiellement érigées le long de la voie de chemin de fer dans le district d'Amreli vont être complétées dans les six mois qui viennent pour atteindre un linéaire de 81,6 km.
    En revanche, les menaces d'une réduction drastique de la surface des territoires dédiés aux félins à l'extérieur du sanctuaire du Gir planent toujours. Ceux-ci passeraient de 22 000 km² à 4 500 km² environ !!...à suivre

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